AFM Association Française Contre les Myopathies |
Colloque SMA 2003 Billets d’ambiance |
5ième SESSION : THERAPIE GENIQUE
Le vendredi 16 mai, nous étions quelques parents très attentifs aux exposés des chercheurs rassemblés par l’AFM pour partager les avancées des recherches sur les SMA.
5 chapitres ont structuré cette journée :
- Diagnostic clinique et génétique,
- Du gène à la protéine : les modèles cellulaires et murins,
- Les approches pharmacologiques,
- La thérapie cellulaire,
- La thérapie génique.
Pour ma part, mes activités professionnelles m’avaient ces dernières années éloigné des informations scientifiques concernant nos maladies et je dois dire que cette journée a été une plongée dans la science, dans tous les aspects de l’intimité cellulaire et moléculaire de la SMA.
Je crois pouvoir dire que les progrès des connaissances sont énormes. Je limiterai ce propos à ce que nous avons vécu dans la session dédiée à la thérapie génique mais il est important de dire que des progrès très encourageants ont été rapportés dans toutes les sessions.
Jeanne Lesbordes (Cochin) a ouvert ce chapitre en présentant les progrès dans le domaine des transferts de gène codant pour des molécules neuro-protectrices et des vecteurs utilisables. J’en ai retenu qu’il était possible de faire exprimer des facteurs neuroprotecteurs du motoneurone par transfert de gène dans les muscles. On savait que les vecteurs de type adénovirus " marchent " in vivo sur les modèles souris de SMA. Jeanne Lesbordes a montré en outre que des injections musculaires d’ADN nu (séquences codantes pour ces facteurs de protection du motoneurone) présentaient la même efficacité quand on réalisait cette injection en appliquant un champ électrique autour de la zone injectée. Cette technique augmente la perméabilité cellulaire et présente l’avantage de permettre des injections répétées car elle n’entraîne qu’une faible réaction immunitaire. Sur un modèle génétique de SMA (souris CRE-SMN7) les chercheurs ont mis en évidence une efficacité clinique liée à ce transfert : l’installation du déficit moteur a été retardée sur les souris traitées.
M Azzouz, un chercheur venu d’Oxford a fait part des résultats obtenus par son équipe avec un autre vecteur viral, le virus EIAV. Ces chercheurs sont parvenus à modifier ce vecteur pour lui donner des propriétés dites " de transport rétrograde axonal ". Cela signifie qu’à partir d’une injection périphérique dans le muscle squelettique, ce virus modifié est capable de franchir la connexion neuromusculaire et de remonter le long de l’axone (le nerf) pour faire s’exprimer un gène thérapeutique dans le motoneurone.
Appliquée à des modèles souris de SMA de types I et III, cette technique a permis une forte expression du gène SMN dans les motoneurones. Sur la souris nouveau-née de type I, cette expression du gène SMN par transfert rétro-axonal dans le motoneurone s’est prolongée suffisamment pour que l’on observe un prolongement de la survie des souris traitées par rapport au lot témoin.
Enfin, 3ième temps de la session, Gary Bassell (Albert Einstein collège, New York) a longuement décrit les travaux portant sur la localisation cellulaire de la protéine SMN. Les travaux ont mis en évidence qu’elle était soumise à un mécanisme complexe de transport actif, du noyau cellulaire vers le cytoplasme puis le long de l’axone jusqu’aux zones de croissance de ces derniers. Ce mécanisme comporte des interactions très complexes avec d’autres protéines. Il a été démontré que dans le cas de la mutation de " l’exon 7 " (mutation caractéristique du gène SMN dans le cas des SMA), ce mécanisme de transport actif était perturbé, donnant lieu à une accumulation anormale de la protéine SMN mutée dans le noyau. Ces travaux réalisés in vitro représentent une avancée pour mieux comprendre le rôle de la protéine SMN et d’éclaircir pourquoi, alors qu’elle est présente dans toutes les cellules, les perturbations de son métabolisme se traduisent par des signes cliniques spécifiquement neuromusculaires.
En tant que malades ou parents de malades, ces résultats ne peuvent que nous passionner. Ça fait chaud au cœur de voir tout ce qui s’est passé depuis l’an 0 de l’amyotrophie spinale. Les plus anciens se rappelleront les discussions (ce devait être en 1986) avec l’équipe de Jean Freysal qui nous annonçait des lendemains peu porteurs d’espoir.
Quel changement ! grâce à l’acharnement de quelques-uns au sein du groupe SMA, grâce à l’élaboration d’une véritable stratégie motoneurone au sein de l’AFM, grâce à la compétence des chercheurs et à leur opiniâtreté pour avancer, le paysage des années 2000 est complètement différent. L’ennemi a un visage. Il est débusqué dans ses plus infimes recoins cellulaires et déjà, des vecteurs sont capables d’aller à son contact pour, chez la souris, ralentir son avance.
Pourtant des parents ont pleuré pendant les exposés. Merveilleux résultats, magnifiques avancées ! oui ! mais pendant ce temps, pendant ce temps…
Les chercheurs vivent le temps de la science et il faut faire confiance à leur rigueur, à leurs précautions méthodologiques pour ne pas s’engager sur de fausses pistes qui seraient trop lourdes de désillusion.
Les parents et les malades vivent le temps du présent, du quotidien, un mélange émotionnel d’espoir, de bonheurs fugitifs, de lassitude et de chagrin.
Il faut en permanence rapprocher ces deux consciences, légitime chacune, mais qui doivent inlassablement se télescoper. Oui, les parents doivent se réjouir à chaque nouvelle découverte, si micro-moléculaire soit-elle, mais les chercheurs doivent à leur tour accepter en permanence que nous leur exprimions nos impatiences.
Tout cela a été largement exprimé au cours de ce colloque, que ce soit pendant les débats ou dans les conversations pendant les pauses.
Une de ces impatiences vitales a fait l’objet d’une échange très rigoureux : à quand le premier essai thérapeutique de la SMA sur l’homme ? Annie Barois, se faisant le porte-parole du groupe de scientifique, nous a apporté une réponse porteuse d’espoir : dans moins de deux ans.
Christian Cottet