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Colloque SMA 2003 Billets d’ambiance |
Une certaine perplexité :
Le vendredi 16 mai 2003 après-midi ont eu lieu les interventions traitant de la question des stratégies thérapeutiques à employer pour traiter les amyotrophies spinales et notamment celles qui concernaient les études pré-cliniques en cours sur le plan des approches pharmacologiques :
Celle d’Arthur BURGHES (Ohio State Univers. Medical Biochemistry Dept. Colombus – USA) m’a paru la plus intéressante. Elle soulève le problème incontournable de l’efficacité in vivo de molécules actives in vitro. Les modèles murins semblent suggérer l’existence d’une corrélation entre le nombre de copies du gène SMN et la gravité de la maladie. En vue de trouver les molécules permettant d’augmenter le taux de SMN 2, deux tests peuvent être utilisés : la recherche des activateurs des promoteurs du gène par le moyen d’un vertex ; un test basé sur l’épissage. Ces tests ont permis de cribler un certain nombre de molécules. Mais, posent la question de l’intérêt de la surexpression de SMN 7. Posent la question de savoir où corriger le phénotype ? celle de l’importance de SMN dans le développement. Et de quand l’y introduire ? Pour tenter de répondre à ces questions, développement d’un nouveau modèle par l’équipe de BURGHES. L’étude du poisson zèbre fait apparaître que des niveaux élevés de SMN semblent essentiels pour que les motoneurones trouvent leur chemin au cours du développement, semblant manifester une action autonome sur la cellule. Les poissons sans SMN révèlent une ramification et des jonctions excessives avec de multiples muscles. Reste à savoir pourquoi ? S’agit-il de connections inappropriées ? D’un manque de soutien trophique du motoneurone ? SMN joue-t-il un rôle spécifique dans la maintenance du neurone ? À quel moment faut-il en restaurer le niveau ? Ces modèles posent de nombreuses questions très nouvelles et surtout, devraient permettre un criblage rapide de molécules pour leur efficacité in vivo (par ex. les molécules évoquées par G. DREYFUSS).
C’est ainsi que l’intervention de Thanh N. HUYNH, de la même équipe tend à montrer que l’acide valproïque, inhibiteur de l’histone désacétylase, augmenterait de manière significative les transcrits d’ARNm contenant de l’exon 7 ainsi que le taux de SMN, les gems, les structures intranucléaires contenant SMN, ce sur trois lignées de fibroblastes issus de personnes atteintes de SMA 1. L’augmentation des taux de SMN complète traduirait le fait que l’acide valproïque favoriserait l’épissage correct du gène SMN 2 et activerait le promoteur SMN. L’un des problèmes posés reste de savoir quelles concentrations de cette molécule seraient nécessaires pour activer l’épissage in vivo.
Christine ANDREASI en collaboration avec Christine BRAHE (Instituto di Genetica Medica – Univ. Cattolica S.Cuore Roma – Italy) a évoqué pour sa part l’intérêt porté par leur équipe au 4-phénylbutyrate de sodium, agent inhibiteur de l’histone désacétylase, déjà agréé par la FDA pour d’autres pathologies, dont l’action in vitro est d’augmenter l’expression aussi bien de FL SMN que de 7 SMN. Un essai pilote sur trois mois est actuellement en cours afin d’évaluer sur un nombre limité de patients une éventuelle efficacité de ce médicament dans l’amyotrophie spinale en étudiant leur évolution sur l’échelle de Hammersmith et en termes de capacité vitale forcée.
L’aide de l’industrie dans le but d’automatiser le criblage de molécules candidates au rang de molécules pouvant avoir une éventuelle efficacité thérapeutique reste à n’en point douter fondamentale. C’est ainsi que Christopher HENDERSON (INSERM U382 – IDBM, Marseille – France) développe le projet d’adapter un modèle de culture purifié de motoneurones au criblage de composés médicamenteux afin de tenter d’identifier les molécules ayant une forte probabilité d’être actives in vivo. Trophos ® a ainsi réalisé une plate-forme de criblage de haut débit. Les neurones survivants sont comptés grâce au " flash cytometer ".
Le débat de ces diverses interventions a beaucoup tourné, m’a-t-il semblé, autour des nombreuses questions que soulèvent les modèles pharmacologiques cellulaires ou animaux (murins ou poisson-zèbre) de la maladie dont disposent maintenant les chercheurs. La question de leur éventuelle standardisation, de la possibilité de les extrapoler à l’homme, celle de savoir quels critères d’efficacité il faut se donner pour le criblage reposant sur des modèles cellulaires (survie des cellules ou bourgeonnement des neurones ?), le problème aussi de savoir ce que l’on mesure (niveau d’ARN, niveau de la protéine ?), avec quel standard ?, et quelle possibilité d’automatisation ?, etc.…
Ce sont à mon sens, d’indéniables progrès réalisés depuis la mise en évidence du gène, qui se voient actés par ce premier colloque exclusivement consacré aux amyotrophies spinales. Mon sentiment reste celui d’une certaine perplexité partagée entre la satisfaction devant les premiers résultats obtenus par le développement actif de multiples modèles animaux, qui permettent le criblage de composés actifs in vitro sur le taux de SMN et la nécessité ressentie de ce qu’il faudrait, bien sûr, que tout cela aille plus vite encore en direction d’applications thérapeutiques.
Une vive inquiétude
Mais, dans l’attente de la découverte de molécules ou de traitements cellulaires ou génothérapiques efficaces, il ne nous faut pas oublier non plus, pragmatiquement, ce qui existe déjà, sinon du point de vue du traitement futur de la maladie, du moins de celui des prises en charges actuelles des patients, au risque que leurs conditions de possibilité ne se dégradent gravement pour des raisons organisationnelles.
Le samedi 17 mai 2003, au chapitre " Vivre avec une amyotrophie spinale ", se posait la question du développement d’un " Réseau des cliniciens et organisation de consultation " et a fait l’objet d’une intervention d’Isabelle Desguerre [en collaboration avec Marie-Christine Commare – Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris – France] dont le mérite m’a paru résider dans l’absence de l’habituelle langue de bois dont on nous abreuve ordinairement.
Elle nous a fait sentir, je crois, l’épuisement des médecins hospitaliers, tout comme l’inquiétude et souvent la colère des patients et de leur famille devant le peu de soutien des pouvoirs publics, de l’APHP, des ARH, du ministère à garantir la pérennité de consultations multidisciplinaires hospitalières de proximité sur l’ensemble du territoire. Ce fait est compliqué sans nul doute par la perspective proche d’une disparition de la pédiatrie en partie liée à la baisse du numerus clausus au début des études de médecine, au retard pris dans son rétablissement, à la pénibilité des gardes de pédiatrie qui n’attire plus les jeunes médecins. D’où une impression générale d’une dégradation des conditions d’accueil qui se fait sentir ne serait-ce qu’au travers des histoires, parfois dramatiques, rapportées par l’assistance, en contraste avec des expériences plus heureuses parfois dans une même région.
Toute l’assistance a ainsi exprimé la nécessité d’une formation accrue des professionnels de santé à la prise en charge des patients atteints d’amyotrophie spinale à commencer par la formation des médecins généralistes et les pédiatres de ville et hospitaliers qui trop souvent ne connaissent pas les modalités de sa prise en charge efficace le plus précocement possible.
La solution alternative de la création de réseaux extra-hospitaliers de soins développée par Mme le Dr. Isabelle DESGUERRE permettrait sans doute de restituer une prise en charge de proximité et de décharger quelque peu le médecin hospitalier de la nécessité de devoir prendre en charge non seulement les aspects strictement médicaux mais aussi les questions d’insertion, d’aide technique, etc. Leur risque me paraît cependant résider dans une certaine démédicalisation dont il n’est pas sûr que les patients atteints de SMA aient beaucoup à y gagner. Ces réseaux me font donc l’effet de pis allers bien fragiles au regard de l’immense mérite des consultations multidisciplinaires hospitalières de proximité malgré leur existence à titre de strapontin dans des services à vocation plus générale. Une existence qui paraît malheureusement aujourd’hui bien menacée par la difficulté annoncée de trouver des professionnels à même de les organiser de manière qui ne soit pas trop " chronophage " pour leurs autres responsabilités hospitalières, c’est-à-dire en somme de manière authentiquement reconnue par l’Hôpital public et ses instances.
De l’espoir en vue de premiers essais cliniques à venir
Nulle autre qu’Annie BAROIS n’était mieux placée pour mettre au point une étude clinique de grande ampleur, puisqu’elle portait sur 203 cas d’amyotrophie spinale. Toujours aussi persévérante dans son souci d’aboutir et d’impliquer les patients et leurs familles dans la préparation d’éventuels essais thérapeutiques, Annie BAROIS nous a fait sentir l’importance qu’il y a à tenter de définir des critères d’évolution pertinents pour les études à venir ainsi que la nécessité impérative d’une harmonisation clinique entre les différents centres en cas d’étude multi-centrique. Cette étude a permis d’avancer des arguments en faveur de la pertinence des critères choisis qui pourraient, dès lors, être utilisés dans le cadre d’essais médicamenteux chez l’homme. Il s’agit bien sûr d’objectiver le plus précisément possible toute évolution clinique.
Cette présentation fut aussi l’occasion donnée à Annie BAROIS de rappeler à l’assistance que si un essai était effectué, il le serait chez des patients de plus de 18 ans.
À la satisfaction de l’assistance, de tels travaux laissent présager l’imminence des prémices d’un premier essai qui semble bien se profiler à l’horizon, puisque Annie BAROIS a laissé entendre que, compte tenu des délais administratifs, un essai pourrait être envisageable pour fin 2003 – 2004.
Rémi TEVISSEN